Mécanisme de défense : le Clivage (Spaltung, séparation, dissociation...)



http://psychanalyse-21.psyblogs.net/2013/04/mecanisme-de-defense-le-clivage.html
Concept abordé par Janet en 1889 d’une part, puis par Freud et Breuer en 1895 d’autre part, le clivage est une action (mentale) de séparation, de division du Moi, ou de l’objet, par deux réactions simultanées et opposées (l’une cherchant la satisfaction, l’autre tenant compte de la réalité), sous l’influence angoissante d’une menace, de façon à faire coexister les deux parties de manière indépendante l'une de l'autre, et qui se méconnaissent alors, sans formation de compromis possible.

Clivage du Moi / Clivage de l’objet

Ce mécanisme de défense peut se mettre en place, lorsque face à une situation, un objet, on éprouve deux émotions contradictoires ou conflictuelles, l'une ne pouvant pas, en toute logique, exister avec l'autre dans le même système mental. Séparer ces émotions (par exemple, ne penser qu'à une réaction possible, à un moment donné, sans tenir compte de l'autre réaction qui pourrait nous venir à l'esprit - la chasser, en quelque sorte) permet d'atténuer, voire supprimer complètement, l'angoisse naissant de cette confrontation.

Ce mécanisme permet donc de maîtriser l’angoisse et sert d’issue lors d’ambivalence conflictuelle.

Le clivage du Moi

Le clivage joue un rôle organisateur important, présent dès le début et tout au long de la vie psychique. Il permet d'intégrer les règles sociétales en séparant les envies personnelles (désirs généralement à court terme) des comportements socialement acceptables (soutenus par des mécanismes comme l'imitation, l'anticipation). Il organise ainsi la vie psychique de sorte qu'elle tienne compte de la réalité en "effaçant" temporairement les réactions spontanées.

Le clivage du Moi peut néanmoins présenter un caractère déstructurant et dangereux, qui peut par exemple déshumaniser, mécaniser la vie psychique.

Le clivage de l’objet

Le clivage de l’objet, introduit par Mélanie Klein, est la séparation d’un objet en deux objets différents : un bon-objet et un mauvais-objet : le rêve d'une enfant, qui voit dans son imagination une maman qui la persécute (alors qu'en réalité, le rapport mère-fille est normal), ressort par exemple du clivage de l'enfant vis-à-vis de sa mère qui la protège - et qui lui interdit néanmoins parfois certains comportements. l'ambivalence ressentie face au côté protecteur et au côté oppressif peut alors donner lieu au clivage (la scission de l'objet "mère" en "bonne-mère" + "mauvaise-mère" qui se formalise dans le rêve.

Le clivage de l'objet permet ainsi par exemple d'accepter la nuance dans un rapport à l'objet : faire coexister, par exemple, l'amour que l'on éprouve pour une personne et la peur de la perdre ou de ne pas la contrôler.

On retrouve la notion de clivage dans des expressions populaires : « je sais bien… mais quand même… »

Le clivage dit "normal"

En situation classique, le clivage permet de faire attention (capacité d’attention) à une émotion ou à la mettre de coté (capacité de discrimination) afin de pouvoir simplement penser, se forger un jugement, initier une réaction adaptée à la réalité malgré des désirs antagonistes.

Il autorise l’organisation des émotions, des sensations et des pensées ou encore des objets et ainsi l’accès aux processus d’intégration et de socialisation.

Le clivage à caractère pathologique

Mais, poussé à l’extrême et utilisé fréquemment, Il peut étouffer les émotions, notamment celles qui ne sont pas adaptées à la réalité, mais reflète notre condition et font justement de nous des humains (conduisant alors à une désensibilisation, un émoussement voire vide affectif apparent). Paradoxalement, l'adaptation à la réalité devient une inadaptation à la vie sociétale : c'est par exemple le cas d'une personne prête à sacrifier (activement) une autre personne pour en sauver deux, un choix pour lequel tout homme dit "normal" éprouve de l'hésitation, de la tension, et peut être incapable de faire ce choix. Une personne capable de faire ce choix sans la moindre hésitation établit un clivage fort, parfois adaptée au métier, ou à la situation, mais fondamentalement anormal pour la psyché humaine, et par ailleurs, source de tension et de conflit, que l'on rencontre par exemple chez les personnes ayant à un moment donné, la vie d'autres entre leurs mains (militaires, médecins).

Le clivage pathologique apparaît notamment dans la névrose obsessionnelle, la psychose et les perversions. Il y explique certaines actions démesurées où la folie cohabite avec la réalité, exemples dont les médias se montrent friands : un "homme ordinaire" étrangle plusieurs prostituées puis va se dénoncer dans l’espoir de faire cesser ses cauchemars, au cours desquels il revoit les femmes, vivantes. Il fut étonné de son arrestation et n'estimait aucunement avoir commis quelque chose de grave. Dans cet exemple, l'homme a complètement séparé et étouffé ses réactions normales (d'intégration et de sociabilisation) face à ses obsessions et désirs spontanés, ce dont on se rend compte non seulement dans les actes commis, mais également dans sa perception de ces actes. Or les processus d'intégration étaient bel et bien présents, puisque l'homme était "ordinaire" auparavant.