Les troubles de la pensée
Par Marlène FOUCHEY le mercredi, octobre 29 2008, 00:03 - PsychoPathologie - Lien permanent
Les troubles de la pensée renvoient aux déficits du cours et du contenu de la pensée. Les mécanismes ainsi que les thèmes du délire seront également abordés dans cette partie.
Les troubles du cours de la pensée
Les altérations dans le rythme de la pensée
La tachypsychie désigne l’accélération des processus de la pensée : fuite des idées, enchaînement rapide et parfois illogique des idées. Cette pensée accélérée s’accompagne dans le discours du patient par des « coq à l’âne », des jeux de mots. Cette pensée est typique du patient en phase maniaque.
Le phénomène inverse est désigné sous le nom de bradypsychie. Il désigne un ralentissement des processus de la pensée, une pensée lente, qui semble laborieuse, le patient devant faire un effort important pour répondre à une simple question. C’est la pensée prototypique retrouvée dans le syndrome dépressif.
Le mentisme est un état de rumination intellectuel accompagné d’un défilé rapide des idées. Il peut se rencontrer dans des situations normales lors des périodes d’endormissement par exemple où lors de situations de stress ou de surmenage. On le rencontre cependant plus fréquemment chez des patients obsessionnels ou schizophrènes.
Les altération dans la continuité de la pensée
La diffluence de la pensée désigne une pensée sans axe thématique et sans but précis.
Le barrage de la pensée consiste en un arrêt brusque et momentané du discours, pouvant durer de quelques secondes à quelques minutes. Le discours reprend ensuite son cours normal sur le thème antérieur ou sur un thème différent. Cet arrêt verbal est considéré comme la marque de l’arrêt de la pensée du patient.
Le fading désigne l’extinction progressive du flux de la parole (l’arrêt n’est pas aussi brusque qu’au cours d’un barrage).
Le barrage de la pensée et le fading se retrouve dans le processus de dissociation mentale de la schizophrénie.
Les troubles du contenu de la pensée
L’obsession
L’obsession est définie comme une idée ou un groupe d’idées qui s’imposent de manière pénible à la pensée du patient qu’il ne peut chasser de son esprit bien qu’il les tienne pour absurdes. Elle s’accompagne le plus souvent de compulsions, c’est à dire de comportements répétitifs que le sujet ne peut s’empêcher d’accomplir sans peine d’une angoisse importante.
On peut distinguer trois grands groupes d’obsessions :
- les obsessions idéatives : intrusions répétitives d’idées où d’images mentales.
- Les obsessions phobiques : crainte obsédante concernant une maladie (le plus souvent grave et précise), la contamination, la saleté. Elles apparaissent même en dehors de la situation redoutée (ce qui est différent de la phobie où l’angoisse n’est présente qu’au sein de la situation problématique).
- Les obsessions impulsives (phobies d’impulsion) : crainte angoissante d’être amené de manière irrépressible alors même que le sujet ne le souhaite pas, à commettre un acte ridicule, immoral ou agressif.
La phobie
Il s’agit d’une peur incontrôlable déclenchée en présence d’un objet particulier (couteau, seringue, aiguille), d’un être vivant(animal), par des situations particulières (traverser un pont, prendre un ascenseur). L’anxiété provoquée par la situation disparaît avec l’évitement, l’éloignement de cette situation.
Les idées délirantes
Pour évoquer la présence d’idées délirantes chez un sujet, il faut que deux critères essentiels soient respectés :
- le sujet émet, produit des idées fausses, c’est à dire qui sont en contradiction évidente avec la réalité sociale et culturelle dans laquelle l’individu évolue.
- Il faut que le sujet soit convaincu de ses idées.
Pour analyser la psychopathologie des idées délirantes, on dissocie les mécanismes et les thèmes du délire. Dans le cas le plus simple, le délire va être construit autour d’un mécanisme et d’un thème ; c’est souvent le cas des délires paranoïaques qui ont un aspect « cohérent » ; on parle de délire systématisé. Quand plusieurs thèmes et plusieurs mécanismes s’associent sans qu’ils soient organisés de manière logique, on parle de délire polymorphe (non systématisé).
La qualité du délire donne une indication sur la psychopathologie.
Mécanismes à l’origine des idées délirantes
- L’intuition : le sujet est convaincu d’une idée fausse sans qu’aucune démonstration ne soit nécessaire. Ce mécanisme est utilisé dans le délire paranoïaque.
- L’interprétation : un fait réel va être interprété de manière inadaptée. Ce mécanisme prédomine dans le délire paranoïaque. Il se rencontre dans la majorité des troubles psychotiques.
- L’imagination : mécanisme moins fréquent que les précédents. Il consiste à construire un monde irréel dans lequel le sujet est le personnage principal. Elle se rencontre dans les formes imaginatives du délire, les paraphrénies.
- Les illusions et les hallucinations : mécanismes privilégiés des délires de passion schizophrènes.
Thèmes du délire
- les idées délirantes de persécutions : l’individu est persuadé qu’on cherche à lui faire du mal et qu’on lui en veut. Elles peuvent concerner la personne physique (chercher à le tuer), la personne morale ou les biens. Elles sont fréquentes au cours de troubles psychotiques de nature paranoïaque ou schizophrénique. On trouve aussi ces idées lors de dépressions délirantes (mélancolie délirante). Ils ne sont pas des phénomènes rares : 40% des états dépressifs, survenant au cours de troubles bipolaires. Quand ces idées s’expriment au cours de dépressions délirantes, elles sont plus ou moins articulées aux idées de culpabilité du sujet (on lui en veut car il a commis une faute irréparable).
- Les idées mégalomaniaques : il s’agit d’idées de grandeur. Le sujet se sent par exemple investi d’une mission (divine, restaurer la paix dans le monde), se prend pour le descendant d’un personnage célèbre, se dit inventeur d’une super invention non reconnu… Ces idées se rencontrent au cours des états psychotiques aigus ou chroniques (schizophrénie) et aussi de façon systématique lors d’épisodes maniaques délirants.
- Les idées délirantes d’influences : le sujet est persuadé d’être sous l’influence et sous le contrôle d’une force externe à lui même, ses pensées et ses actions ne lui appartenant plus. Ces idées sont caractéristiques des délires des schizophrènes, pouvant conduire à l’automatisme mental (sentiment de dépossession de la pensée, convaincu du vol de la pensée).
- Les idées délirantes de référence : l’individu est convaincu de faire l’objet de l’attention des autres (par exemple, le patient sera convaincu que les messages télévisés lui sont adressés personnellement).
- Les idées délirantes de jalousie : l’individu est convaincu de l’infidélité de son conjoint.
- Les idées érotomaniaques : les sujet est persuadé d’être aimé d’une personne , en général célèbre ou riche.
- Les idées délirantes hypocondriaques : le sujet est persuadé que son corps ou qu’une partie de celui-ci s’est transformé ou qu’il est atteint d’une maladie incurable. Elles se rencontrent souvent dans les dépression délirantes où elles sont vécues comme la sanction d’une faute passée (par exemple, le patient sera persuadé d’être atteint du SIDA pour être puni d’une infidélité passée). Dans la schizophrénie, ces idées délirantes prennent la forme de transformations corporelles.
Commentaires
Bonjour et bravo pour votre site,
Je souhaiterais commenter le passage concernant le "barrage de la pensée", considéré "comme la marque de l’arrêt de la pensée du patient". Je pense, très humblement, n'étant pas un spécialiste, que cette considération est relativement infondée et incorrecte, un arrêt du discours ne pouvant en aucune manière certifier de l'arrêt du cours de la pensée. Le sujet peut être au contraire absorbé dans son processus de pensée, par sa conscience personnelle, qui peut tout autant être discriminée qu'indifférenciée, comme l'indiquent notamment les critères de pensée non symbolique (Hurlburt, 2008), indiquant la présence d'une pensée consciente mais non imagée ou mise en mots, chez les sujets ne présentant pas de troubles psychiatriques ou psychologiques connus ou diagnostiqués.
Bien cordialement,
AB
Vos propos illustre le fait qu'un symptome ne peut en aucun cas être considéré isolément mais doit être apréhendé au travers d'un ensemble de manifestations que peut présenter le patient. Le barrage de la pensée est présent dans le cadre des troubles psychotiques et est associé à d'autres manifestations. Bien évidemment, il existe de multiples cas où le patient s'arrête de parler sans pour autant manifester de barrage de la pensée, sans présenter de trouble psychotique.
Merci, j'ai en effet tendance à interpréter de manière assez littérale, et à "prendre au mot" les explications, pouvant résulter en des généralisations parfois un peu abusives. Resitué dans un certain contexte, l'expression fait maintenant sens. Je serai ravi de contribuer à l'occasion dans la recherche d'une image, ou par une relecture orthographique. ab.
je veux juste préciser une chose en ce qui concerne le barrage, si un patient arrête de parler au cours de l'entretien il faut toujours lui poser la question "pourquoi tu as arrêté dans discours" s'il vous répond par exemple j'étais entrain de réfléchir a quelque chose en ce moment il ne s'agit pas de barrage mais par contre s'il vous dis non j'ai pas arrêté et il n 'est pas conscient de ça. alors la c'est un barrage et ça signifie une interruption dans la production de la pensée.
Bonjour,
votre article est intéressant, mais je souhaiterais ajouter que la rumination mental peut avoir son origine dans un traumatisme émotionnel. La rumination mental peut être une propriété récurrente de l'émotion, à long terme.
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L'arrêt de la pensée ressemble aussi à un syndrome catatonique typique de la schizophrénie :
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salutation
Approche anthropologique de la dissociation et ses dispositifs inducteurs
http://barbier-rd.nom.fr/journal/ar...