Le délire paranoïaque
Par Marlène FOUCHEY le vendredi, décembre 12 2008, 14:06 - PsychoPathologie - Lien permanent
Le délire paranoïaque regroupe les délires passionnels avec le délire érotomaniaque, le délire de jalousie et le délire de revendication ainsi que le délire de revendication des sensitifs (Kretschmer) et le délire d’interprétation (Capgras).
Le passionnel est le paranoïaque sûr de lui, revendicatif, il est enflammé dans son combat contre ses ennemis et il est sûr de gagner. Le paranoïaque sensitif , quant à lui, se sent déprimé en pensant que tout le monde lui en veut. Le passionnel a un persécuteur désigné ce qui fait redouter des passages à l’acte hétéro-agressifs. Dans le délire de relation des sensitifs, il n’y a pas de persécuteur désigné, tout le monde persécute le sujet ce qui le fait souffrir, et le risque est ici un acte auto-agressif sous forme de tentative de suicide.
Dans tous les cas, il s’agit de délires qui vont s’installer progressivement chez des personnes âgées de 35 à 45 ans et dont le mécanisme délirant prédominant est l’interprétation.
Les délires passionnels
Le délire érotomaniaque
Délire qui se structure autour de la conviction d’être l’objet d’amour d’une tierce personne connue ou non par le patient, qui occupe soit un statut important, soit qui est riche, ou qui est célèbre. Ce délire évolue en trois phases :
- La phase d’espoir : le sujet va répondre aux sollicitations d’amour imaginaires ; il est persuadé que la personne est amoureuse de lui.
- La phase de dépit : le patient va commencer à s’interroger sur les sentiments que la personne ressent à son égard.
- La phase de rancune : il s’agit de la phase la plus inquiétante car elle conduit le patient à commettre des actes hétéro-agressifs pour se venger d’avoir été autant humilié.
Le phénomène délirant reste le plus souvent circonscrit à l’objet d’amour c’est à dire qu’il n’y a pas d’envahissement délirant à d’autres secteurs de la vie. L’adaptation socioprofessionnelle peut rester correcte.
Les thématiques érotomaniaques peuvent se rencontrer dans d’autres pathologies et ne constituent dans ce cas qu’un symptôme du tableau clinique. C’est la présence des trois phases successives qui permet d’évoquer le diagnostic du délire érotomaniaque.
Au cinéma : A la folie… pas du tout de Laetitia Colombani.
Le délire de jalousie
La problématique amoureuse est vécue sur le versant de l’infidélité. ce qui caractérise le sujet est qu’il est convaincu de l’infidélité de son conjoint. C’est un délire où prédomine le mécanisme interprétatif qui donne lieu à un plan d’action transformant ainsi la personne qui en est atteinte en un véritable enquêteur qui part à la recherche de preuves en faveur de ses convictions délirantes.
La description clinique met l’accent sur l’existence d’une personnalité pré-morbide. Ces sujets, avant d’être délirants, sont préoccupés par la fidélité de leur conjoint et émettent fréquemment des doutes qui peuvent se structurer en véritables certitudes. Le délirant va se transformer en enquêteur et va trouver des preuves interprétées dans le sens de son délire. S’il trouve des preuves, c’est qu’il a la capacité de transformer les informations selon son propre système de croyances. Le patient va également mettre à l’épreuve de façon quotidienne son conjoint. Le passé sera retracé et interprété à la lumière de cette conviction délirante.
Le danger majeur de ce type de délire sont les actes hétéro-agressifs qui peuvent survenir à l’égard du conjoint ou de l’amant supposé.
Les recherches ont pu constater une apparition conjointe entre l’alcoolisme et le délire de jalousie. Cependant, elles ont du mal à l’heure actuelle à établir un lien de causalité entre ces deux phénomènes (est-ce l’alcool qui déclenche un délire de jalousie ou le délire qui entraîne la prise d’alcool ?).
Au cinéma : L’Enfer de Claude Chabrol
Le délire de revendication
Dans le délire de revendication, le délire est alimenté par des mécanismes interprétatifs et intuitifs qui concernent la certitude d’avoir été abusé, abus pour lequel le patient va demander réparation. Le comportement du patient va être de nature procédurière.
Les principaux délires de revendication concernent la certitude d’être un inventeur méconnu, non jugé à sa juste valeur, le patient peut être insatisfait de la médecine.
Le délire de relation des sensitifs (paranoïa sensitive)
Il s’agit d’une forme de délire ou dominent des idées de persécution et des idées de référence, le plus souvent évoquées avec une tonalité dépressive. Il fait suite le plus souvent à un événement stressant ou frustrant pour le patient. Il se dit alors victime de l’hostilité des autres, se sent méprisé, rejeté, humilié mais sans que ses convictions entraîne une revendication ou une demande d’explication. Le délirant sensitif n’est pas persuadé qu’un complot s’organise autour de lui mais plutôt qu’on cherche à atteindre sa dignité. Le délire reste souvent limité au domaine relationnel.
Les sujets n’ont ni la rigidité, ni la fermeté du paranoïaque avec qui ils partagent pourtant l’excès d’orgueil, l’entêtement qui se retrouve néanmoins pondéré chez les sensitifs par l’hésitation et la susceptibilité.
Le délire d’interprétation
Il existe plusieurs formes de délire d’interprétation selon la thématique délirante. Le point commun à ces délires est le mécanisme délirant de l’interprétation. le plus souvent, c’est la thématique de persécution qui va dominer mais il n’est pas rare de trouver des idées délirantes de mégalomanies ou de référence.
Dans tous les cas, le sujet fournit une interprétation fausse à un fait réel. Le raisonnement est victimie d’associations d’idées et de déductions erronées. A la différence des délires précédents, celui-ci va envahir tous les domaines de la vie du sujet, le conduisant ainsi à la conviction qu’un complot s’organise autour de lui. Ainsi, tous les faits, même les plus ordinaires, sont interprétés comme des signes lui étant intentionnellement adressés.
Evolution
L’évolution de ce délire d’interprétation est le plus souvent marquée par une alternance entre des périodes symptomatiques et des phases de rémission.
L’évolution pourra également être ponctuée par la présence d’actes médicaux légaux, actes commis quand le sujet entreprend de se débarrasser de son ou de ses persécuteurs.
L’évolution reste marquée par un isolement social qui est conséquent du comportement du patient et de l’antipathie qu’il génère chez les autres.
Prise en charge
Le problème majeur rencontré dans l’ensemble de ces délire est celui de la prise en charge car ces patients peuvent être totalement adaptés au plan social. Ces personnes sont vues assez rarement en psychiatrie et ont comme point commun la difficulté à établir un contact.
Dans l’ensemble de ces délires, il n’y a pas de place ni pour le doute, ni pour la faille. C’est à cause de ce caractère systématique que l’on parle ici de délire paranoïaque et non de délire paranoïde.
Traitement
Les traitements médicamenteux peuvent s’avérer utiles mais n’agissent pas directement sur les symptômes. Ils vont quand même avoir pour effet d’apaiser l’agressivité sous-jacente à ces délires, l’angoisse et l’anxiété, voire dans certains cas amoindrir la conviction délirante.