Présentation du DSM (diagnostic and statistical of mental disorders)
Par Marlène FOUCHEY le samedi, juin 23 2012, 19:45 - PsychoPathologie - Lien permanent
Publié en 1952, la première édition du DSM a été fortement influencée par le point de vue psychobiologique d’Adolf Meyer. Le but premier du DSM est de se faire accepter par des cliniciens et des chercheurs d’orientations théoriques différentes ; il ne s’inscrit alors pas dans un cadre théorique particulier.
Décrire et classer différents troubles mentaux suppose que l’on s’accorde sur la question du diagnostic psychopathologique. Poser un diagnostic psychopathologique pour une personne donnée suppose que cette personne présente un certain nombre de signes cliniques (symptômes) qui ont été au préalable définis dans des classifications.
La question du diagnostic psychopathologique est complexe puisque, contrairement au champ de la médecine somatique, il n’existe à l’heure actuelle aucun examen précis permettant de poser un diagnostic psychopathologique.
Le diagnostic ne sera posé qu’au regard d’un faisceau d’indices tenant compte, par exemple, de l’âge du patient, du contexte d’apparition des premiers symptômes et éventuellement de l’existence d’un événement déclencheur.
La solution aux problèmes que pose le diagnostic psychopathologique est de décrire de manière statistique les symptômes sur lesquels repose la description des différentes pathologies d’où la naissance des classifications.
Le DSM (diagnostic and statistical of mental disorders) a été réalisé par l’association américaine de psychiatrie. Cette classification s’appuie sur quatre principes :
- l’athéorisme et le souci d’objectivité
- le concept de trouble mental remplace celui de maladie mentale
- un système multiaxial
- existences de critères monothétiques (symptômes obligatoires pour poser le diagnostic) et polythétiques (symptômes non obligatoires mais présents chez un certain nombre de patient répondant au diagnostic).
Le fait d’opter pour une position athéorique quant à l’étiologie fait qu’au lieu d’indiquer comment sont apparus les troubles mentaux, les auteurs du DSM tentent, dans al grande majorité des cas, de décrire ce que sont les manifestations de ces troubles. Cette approche, qui consiste à définir les troubles en décrivant les caractéristiques cliniques de ceux-ci, est qualifiée de descriptive.
Les critères diagnostics sont descriptifs. Leur définition est précise et univoque, de manière à être communicable. Ils ont été validés empiriquement et possèdent une haute fidélité inter-juges.
La démarche diagnostique du DSM est qualifiée de polythétique. Ceci signifie que le diagnostic d’un trouble donné requiert la présence d’un nombre précis de symptômes parmi ceux qui figurent sur la liste dressée pour le trouble en question. Il est précisé, en même temps, qu’aucun symptôme de la liste n’est indispensable pour le diagnostic du trouble considéré.
Une autre classification très proche a été élaborée par l’organisation mondiale de la santé ; la CIM 10 (classification internationale des maladies).
Contexte d’apparition du DSM aux Etats Unis
Amplification des problèmes de communication entre cliniciens
La diversification des écoles psychopathologiques a eu comme conséquences le développement et l’utilisation des cadres nosologiques et nosographiques très différents, rendant difficile (parfois impossible !) la communication entre cliniciens de différentes obédiences.
Le développement d’un mouvement néo-kraepelinien
Vision très critique de la psychanalyse, de la psychothérapie et de la psychiatrie social de l’époque. Pour Kraepelin, la maladie mentale doit s’individualiser et se définir par son évolution. Le vrai diagnostic est celui qui permet un diagnostic précis. La maladie ne pouvant être définie que par son état terminal, Kraepelin étudie systématiquement les affections mentales en fonction de leur devenir. Son regard clinique est surtout classificateur. Il ne se préoccupe pas d’hypothèses psychopathologiques et se contente de considérations descriptives et classificatoires.
La montée de l’intérêt pour le diagnostic
Ce renouveau a essentiellement trois explications :
- Les progrès réalisés dans le domaine des modalités thérapeutiques, surtout dans le domaine de la psychopharmacologie
- La disponibilité de moyens de traitement informatisés, permettant notamment des analyses multivariées sur d’importants ensembles de données
- L’utilisation d’échelles d’évaluation et d’autres techniques psychométriques
Le pragmatisme nord-américain
Certains changements socioculturels survenus aux Etats unis
Principes du DSM
L’athéorisme
Le DSM est apparu en 1952. Les éléments clés qui préfigurent l’élaboration de cet ouvrage est le besoin urgent d’élaborer un langage psychopathologique commun à des cliniciens de cultures et de référentiels théoriques différents.
En effet, dans les années 50, on a fait le constat qu’un diagnostic psychopathologique et la description des symptômes qui s’y réfèrent sont très dépendants du référentiel théorique auquel les cliniciens adhèrent. On pouvait alors poser des diagnostics différents sur des patients ayant des symptômes communs. Face à ce constat, le DSM va avoir un objectif clairement défini qui consiste pour chaque catégorie diagnostique de fournir une liste de symptômes qui sont observables et qui sont les plus fréquemment rencontrés pour un même diagnostic et qui ne font, à priori, référence à aucun courant théorique particulier. C’est ce qui explique pourquoi certain terme classiquement employés à cette époque par les cliniciens disparaissent dans le DSM. Par exemple, le terme « névrose » a disparu car, selon le DSM, il est trop apparenté au courant analytique. De même dans la schizophrénie, il y a un concept clé qui est lié à Bleuer, celui de « dissociation mentale » qui n’est pas utilisé dans le DSM.
Le souci d’objectivité
Il va amener les auteurs à proposer une vision purement descriptive des troubles psychopathologiques, en excluant donc une vision compréhensive, voire étiologique de ces troubles.
Cette opposition entre description et explication reprend le thème d’un débat qui a opposé deux auteurs au cours du 19ème siècle, Freud et Kraepelin. Freud s’est d’avantage intéressé à la description des causes profondes des troubles psychopathologiques, causes enracinées dans l’inconscient de l’individu. Kraepelin est à l’origine de plusieurs versions d’un traité de psychiatrie célèbre où il propose une vision descriptive des troubles psychiques.
Le DSM a pour objectif de proposer une psychopathologie athéorique et par conséquent objective et descriptive. Pour une catégorie diagnostique donnée, les auteurs du DSM ne retiennent que les symptômes observables et qui sont normalement sans ambiguïté pour le clinicien.
Le concept de trouble mental
Pourquoi n’utilise-t-on pas le terme de maladie mentale ?
La définition même d’une maladie, mentale ou non, suppose que nous en connaissions l’origine ainsi que l’évolution et le traitement à mettre en place pour combattre cette maladie (ce postulat est cependant discutable puisque grands nombres d’affections par exemples neurologiques sont idiopathiques, c’est à dire qu’on n’en connaît pas à l’heure actuelle l’origine. tout comme le postulat ce basant sur la connaissance d’un traitement ; qui oserait dire que le SIDA n’est pas une maladie alors que le traitement n’est toujours pas identifié actuellement, comme beaucoup d’autres maladies…).
Si, à l’heure actuelle, dans le champ de la psychopathologie, on peut décrire les symptômes d’une pathologie, on a plus de difficultés à décrire la cause de ce dysfonctionnement.
Aujourd’hui, la vision explicative est retenue pour expliquer la survenue d’une pathologie mentale. Cette vision est plurifactorielle car elle intègre entre autres des éléments biologiques, psychologiques, sociologiques voire génétiques qui sont considérés comme des facteurs qui interagissent entre eux. Pour aucune pathologie mentale nous sommes aujourd’hui en mesure d’en connaître précisément la cause. Il y a dons pour les auteurs de DSM un paradoxe à utiliser le concept de maladie mentale dès lors que l’on refuse de s’intéresser à l’étiologie de ces troubles.
A l’inverse, le concept de trouble n’a pas d’implication causale.
Un système multiaxial
Le DSM a pour objectif de prendre en compte, toujours de façon descriptive, les différentes dimensions d’une pathologie. A l’heure actuelle, le DSM se compose de cinq axes :
Axe 1 : ensemble des troubles ou des situations inclus dans la classification à l’exception des troubles de la personnalité et du retard mental.
Le DSM propose une classification catégorielle des troubles mentaux. Une approche catégorielle est idéale lorsqu’on retrouve :
- une homogénéité des membres d’une classe diagnostique
- des limites claires entre les classes
- différentes classes mutuellement exclusives
Pour chaque catégorie diagnostique sont données différentes informations:
- les caractéristiques essentielles,
- les caractéristiques associées,
- l'âge habituel de survenue,
- l'évolution la plus fréquente,
- le handicap (surtout socioprofessionnel),
- les complications,
- les facteurs prédisposant lorsqu'ils sont connus,
- la prévalence lorsque des données épidémiologiques suffisantes existent,
- la répartition selon le sexe,
- les aspects familiaux,
- le diagnostic différentiel
Quatre types de critères sont décrits :
1. les caractéristiques descriptives du symptôme visé
2. sa fréquence ou sa durée
3. date d’apparition
4. des critères d'exclusion basés sur la présence d'autres diagnostics.
Il y a 16 catégories diagnostiques dont 15 se trouvent dans l’axe 1 (la 16ème étant dans l’axe 2). C’est catégories sont :
- troubles habituellement diagnostiqués pendant la première, la deuxième enfance ou à l’adolescence à l’exception du retard mental : troubles des apprentissages, de la communication, troubles envahissants du développement.
- Delirium, démence, trouble mnésique et autres troubles cognitifs
- Troubles mentaux dus à une affection médicale générale non classés ailleurs
- Troubles liés à une substance (psychoactive comme l’alcool, drogue…)
- Schizophrénie et autres troubles psychotiques
- Troubles de l’humeur (dépressifs, bipolaires)
- Troubles anxieux (troubles névrotiques, phobiques)
- Troubles somatophormes
- Troubles factices (attitude de simulation)
- Troubles dissociatifs (personnalité multiple)
- Troubles sexuels et de l’identité sexuelle
- Troubles des conduites alimentaires (anorexie, boulimie)
- Troubles du sommeil
- Troubles du contrôle des impulsions non classés ailleurs (jeu pathologique, kleptomanie)
- Troubles de l’adaptation
Le premier axe répertorie les principales pathologies mentales qui, dans le DSM, sont très découpées par rapport aux autres classifications.
Axe 2 : axe des diagnostics psychopathologiques regroupant les troubles de la personnalité et le retard mental.
Les troubles de la personnalité sont actuellement considérés comme un état permanent et continu caractérisant une certaine manière générale de s’adapter au monde environnent. Ces troubles sont caractérisés par leur continuité et par le fait qu’ils s’expriment généralement plus bruyamment que les troubles de l’axe 1. Les troubles de la personnalité sont répertoriés en trois catégories :
groupe a : personnalités avec idées ou comportements bizarres :
(problème de définition et de diagnostic car certain considère qu’il s’agit de la schizophrénie)
groupe b : personnalités dramatiques, émotionnelles ou erratiques
groupe c : personnalités anxieuses :
Axe 3 : affections médicales générales. C’est un axe permettant au clinicien de signaler la présence éventuelle d’un trouble physique qui peut inaugurer la survenue d’un trouble mental (exemple ; réaction dépressive après un diagnostic de cancer) ou qui peut venir compliquer l’évolution dune pathologie mentale.
L’objectif de cet axe n’est pas de rechercher un lien causale entre les deux types de troubles mais de chercher à aller les prendre en compte conjointement afin d’adapter les choix thérapeutiques.
Axe 4 : il prend en compte les problèmes psychosociaux et environnementaux (événements de vie rencontrés par une personne atteinte d’un trouble mental) : problèmes économiques, familiaux, sociaux… :
Axe 5 : évaluation globale du fonctionnement de la personne avec une échelle. L’objectif de cette échelle est d’évaluer le fonctionnement psychologique, social et professionnel de la personne, et ainsi en évaluer son évolution.
L’athéorisme du DSM est la cible de différentes critiques. Parmi celles-ci se trouve son orientation comportementaliste, le fait de ne s’intéresser qu’aux symptômes de surface
Grâce à cette approche multiaxiale, on a une vision bio-psycho-sociale de la pathologie mentale qui en reste à une évaluation quantitative.
Voir aussi...
Ouvrage: Mini DSM IV
Commentaires
Très bonne présentation, sobre, claire, efficace.
Bonjour,
Permettez-moi d'ajouter un commentaire concernant l'athéorisme supposé ou revendiqué par le DSM.
Vous présentez le DSM comme "un langage psychopathologique commun à des cliniciens de cultures et de référentiels théoriques différents". Certes, le langage est commun, mais l'expérience montre que nous ne devons pas être dupe et que notre psychopathologie eurocentrée n'a que peu de validité hors des frontières de notre culture. Ainsi pour l'exemple le plus récent, importée au Maroc, notre nosographie diagnostique 48% de troubles mentaux (cf. http://www.marocinfocom.com/detail....) dans la population marocaine. Qu'est-ce que cela signifie ? Un marocain sur deux pourrait-il se faire soigner ? Notons que de demande il n'y a point. De même, l'étude récente (de quelques mois) sur un échantillon de 9.000 sujets américains, qui annonce qu'un quart d'entre eux présente également des troubles mentaux... Vue notre société d'exigence de bien-être, de tels résultats n'ont-ils pas pour possible effet l'émergence de nouvelles demandes (guérissez-moi !) ? (ma question n'est pas que rhétorique...)
L'approche statistique montre selon moi ses limites... et dévoile ce qu'il y a d'idéologique dans telle direction.
Pour finir, voici ma position sur le mythe de l'athéorisme (http://arturmary.wordpress.com/2008...). Ou pour résumer : l'effacement des théories relève de la théorie que le relativisme des idées et des positions théoriques vaut mieux que le positionnement franc et militant.
Qu'en pensez-vous ?
Félicitations pour votre site,
Arthur
Je pense en effet que le DSM a des limites en ce qui concerne l’objectif d’être un outils commun à toutes les cultures. En effet, de plus en plus d’étude montrent que la description des maladies psychiatriques dépendent du système référentiel culturel dans lequel on se situe. Ainsi, dans certains pays d’Afrique, la notion de schizophrénie n’a pas lieu d’être chez certains patients présentant ce que eux appellent un état de « transe ».
Mais le DSM a eu le courage (le temps travail effectué sur ce projet est a mon avis important) de vouloir donner un langage psychopathologique commun je dirais aux praticiens de culture occidentales. Il est en effet plus commode dans le milieu professionnel que, lorsque l’on parle de personnalité antisociale par exemple, les différents praticiens est la même vision de ce concept. Pour autant, je pense également que le DSM, en voulant tout normaliser est passé à coté de concepts fondamentaux tel que celui de la « perversion ».
Concernant la classique et plus qu’ancienne « querelle » entre les différentes écoles psychopathologiques , je suis toujours très mal à l’aise avec cela. Vous parliez d’adopter un positionnement franc et militant, voici le mien : « Pourquoi vouloir m’obliger à choisir une approche psychopathologique plus qu’une autre alors que je trouve qu’il y a du bon à prendre dans chacune d’entre elles ! J’aime à utiliser la notion de « schéma » (qui fait appelle aux TCC) chez une personne qui voit des scénarios de vie se répéter (exemple d’une femme battue qui systématiquement choisira des compagnons mal traitant), j’aime à utiliser la notion d’inconscient, de régression (faisant appelle aux théorie analytiques), j’aime à recevoir des familles pour leur expliquer le « sens du symptôme » pour le patient et l’ensemble du groupe familial dans lequel il est inscrit (notion de l’individu symptôme des théories systémiques) et la dynamique de groupe qui s’en suit, j’apprécie, lorsque je reçoit un patient déprimé lui expliquer comment se traduit au niveau cérébral sa pathologie, ce qui lui permet de comprendre qu’il s’agit bien d’une maladie et non d’une « lubie » faisant appelle à la volonté….
J'ai ainsi pour finalité de creer un site à l'image de ma conception de la psychologie c'est à dire abordant différents thèmes sous différents angles psychopatholgiques et recueillir ainsi des témoignages de praticiens aux référentiels variés pour aboutir à une plus grande richesse.
Bonjour,
Bravo! j'avoue qu'un détail comme celui ci, on le trouve rarement sur d'autres blogs. La recherche sur la maladie mentale est sur la bonne voie.
Merci pour cette façon claire d'aborder les choses et les pistes pour en apercevoir les critiques ! J'apprécie beaucoup votre position, qui est celle que j'espère défendre lorsque j'arriverai, dans ma deuxième partie de vie, à devenir psychologue !